Faut-il souffrir pour être un bon musicien ? Faut-il souffrir pour être un artiste ?

Vaste sujet !

 

Je n'aurais pas la prétention de donner "la" réponse à ces questions. Chacun a son approche de la création, et heureusement d'ailleurs ! Chacun a son choix de vie, son chemin personnel... Mon point de vue n'est pas partagé par tout le monde, mais il est basé sur l'expérience, et un certain bon sens. 

 

Je crois qu'on peut facilement mettre un terme à cette légende qui voudrait qu'on doive absolument souffrir pour être un bon musicien ou un artiste "authentique".

 

Il y a la souffrance liée à la vie personnelle, et celle liée à la pratique musicale. Les deux sont évidemment souvent liées... Mais en fait la pratique peut vraiment devenir un rayon de soleil, un phare, ou bien au pire - argh ! - une bouée...

 

 

1) Souffrir pour être un bon musicien.

 

On ne progresse pas sans faire d'efforts. Mais dans notre façon de voir les choses, il se peut qu'on associe l'idée d'effort à une souffrance morale ou physique.

 

A ça je réponds que si vous jouez au foot ou au rugby, vous faites un gros effort. A l'entraînement vous allez sûrement avoir quelques douleurs (crampes, coups etc...), et après l'entraînement, des courbatures, des bobos...

 

Posons la question : est-ce que ce sont ces douleurs qui font de vous un bon sportif ? Ou bien est-ce le bonheur et l'enthousiasme que vous avez à être là, et à faire ce que vous faites ? 

 

Et qu'est-ce qui vous a motivés à vous inscrire à ce club ? Votre enthousiasme à faire du sport, ou bien parce que vous avez un dragon à la maison ?

 

En musique c'est exactement pareil. A la différence près que vous n'êtes pas obligés de vous faire du mal pendant l'entraînement, même en travaillant "dur"...

 

Et nous avons donc plusieurs approches de l'entraînement.

 

- une approche qui va vous faire progresser dans le stress et en vous auto-dénigrant ou en culpabilisant. Résultats non garantis. Rendez-vous chez le kiné et éventuellement chez le psy garantis. Dégoût de la musique au bout d'un moment... probable et fréquent.

 

- l'approche inverse où vous évitez tout effort parce que vous pensez que ça va vous éviter de souffrir. Résultats : quasi nuls et vous risquez de vous lasser assez vite.

 

Ces deux approches sont fondées entre autres sur la croyance que l'effort est une souffrance.

 

- d'autres approches - dont celle que je pratique et partage avec mes potes musiciens et mes élèves - permettent de progresser rapidement dans un plaisir constant et une grande satisfaction.

 

On met de l'huile de coude quand c'est nécessaire évidemment. Mais on ne fait pas que ça. On fait un gros effort... pour éviter tout effort inutile en premier. Ensuite on fait l'effort de laisser tomber ce qui nous empêche d'être heureux. Ça, c'est un soulagement !

 

A la fin de l'entraînement, on a la satisfaction de constater qu'on n'aurait pas pu faire mieux pour progresser - et on a passé un très bon moment. Voilà ce que je vis, et tente de partager avec vous.

 

 

2) Souffrir pour être un "vrai" artiste.

 

Cette légende concerne les créateurs comme les interprètes. Elle dit qu'un artiste est forcément quelqu'un de torturé, et qu'on ne crée que dans la souffrance.

 

La légende vient du fait que beaucoup de créateurs et grands musiciens reconnus sont effectivement des personnes "torturées", et qui ont rencontré beaucoup de souffrances dans leur vie personnelle.

 

Et oui, beaucoup de créateurs exorcisent leurs souffrance en créant. L'intensité de ce qu'ils vivent se ressent dans leurs oeuvres. 

 

Dans ce cas là, on voit leur musique soit comme l'expression de toute cette souffrance, soit comme un "exorcisme" ou une sublimation, un baume apaisant en quelque sorte... 

 

Tout cela est peut-être vrai, mais on ne peut pas se mettre à leur place, à moins d'y être. Je connais des artistes qui cultivent sciemment leur mal-être parce qu'ils pensent que sans leur précieuse souffrance ils perdront l'inspiration.

 

La souffrance est-elle à l'origine de la création artistique ? C'est vrai sans aucun doute. Mais est-elle absolument nécessaire ?

 

Je suis persuadé que quand le créateur en souffrance joue ou compose, ce n'est pas sa souffrance qui joue et qui compose. C'est la partie de son être la plus belle, la plus riche, la plus libre et la plus heureuse qui s'exprime. Sinon sa musique ne ferait que nous déprimer, on ne la supporterait pas !

 

Et c'est pour ça que la plupart des artistes sont en fait des "autoguérisseurs".

 

Ok, ok, ok... mais il y a tout de même un danger. C'est d'en conclure que finalement, comme tout est parti de la souffrance, c'est elle qui est intéressante. Moi, ce que je trouve intéressant, c'est que l'artiste a sublimé cette souffrance.

 

Un des meilleurs morceaux que j'ai composés, un des plus joyeux aussi, je l'ai composé d'une traite sous le coup d'une violente colère. Lol.

 

Si vous vous reconnaissez dans cette façon de fonctionner, où l'on focalise sur la souffrance, observez et allez rencontrer des musiciens qui créent avec bonheur et qui jouent avec bonheur. Le fait est qu'il y en a - et des terribles -, et que ça fait du bien.

 

Il n'est pas nécessaire de souffrir pour contacter la part la plus belle, la plus riche, la plus libre et la plus inspirée en nous ! Souffrir peut nous pousser à nous "connecter" intérieurement à l'inspiration, qui vient comme un médicament, c'est vrai... mais franchement focaliser là dessus, c'est se priver de l'autre moitié du gateau - et je vous garantis que la cerise est dessus.

 

A partir du moment où j'ai repéré et éliminé cette croyance (un artiste progresse en souffrant et souffre pour créer/les oeuvres intéressantes sont créées en souffrant), j'ai eu deux résultats : je me suis mis à progresser comme jamais auparavant / j'ai toujours des souffrances personnelles comme tout un chacun, mais en tout cas, je sais avec certitude que s'il y a un moment où je ne souffrirais pas, c'est quand je crée et quand je joue de la musique.

 

Et ça a finit par devenir un choix. Il y a eu pour moi un "avant" et un "après" au niveau des cours, de mes concerts, et de ma vie quotidienne, et j'ai depuis quelques temps des retours fréquents comme quoi - ouf - mes concerts et mes cours "font du bien".

 

Je ne suis toujours pas devenu Art Tatum... j'ai encore plein de défauts à corriger et plein de choses à améliorer... Mais mon but en musique est réellement atteint à chaque fois que je touche l'instrument - accessoirement je progresse bien plus facilement et rapidement qu'avant. 

 

C'est le fondement de cette approche dont je parle. 

 

 

 

 

 

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AU FEU LES PART' !!!
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